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(témoignage) Dérrière le décor
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(témoignage) Dérrière le décor
Dans le décor
Ce samedi 10 mars, il est 18h quand j’arrive pour la deuxième fois sur le campement des enfants de Don Quichotte.
Lors de ma première venue, mi-janvier, j‘avais été frappé par l’aspect rudimentaire du camp. Cette fois-ci je vois un camp dans un doux bordel organisé et bien plus grand. Je compte une cinquantaine de tentes.
Cela fait déjà un moment que les sans domiciles fixes sont sur les allées François Verdier. Le camp est situé entre de brillants immeubles bourgeois. Le contraste est saisissant. Les passants regardent le camp avec un léger sourire de complicité, ils regardent leurs nouveaux voisins avec gentillesse et compassion. Ils sont habitués.
Pouvons-nous être habitué à la précarité ? Non seulement je crois que oui mais je le constate.
J’enjambe de nombreux chiens, heureux de vivre, du bois pour alimenter les cheminés du plus grand appartement de la ville.
Florian un militant bénévole me reçoit et me donne l’autorisation de faire des photos. Certains refusent les photos car recherchés par la police, ou en cours de jugement.
Ce qui me frappe c’est la même bonne humeur que lors de ma première venue. L’alcool aide à rendre euphorique. Il y en a partout, mais personne ne s’en offusque, cela fait parti de leur vie.
Petit à petit certains habitants viennent me parler, me taquiner…. Je me rends compte qu’ils ont pris goût à leur récente popularité, certains me guide et me donne des conseils pour faire des photos. Sont-ils conscients qu’ils deviennent un spectacle ? Du moins en surface car à y regarder de plus prêt on ressent rapidement que le message est fort et la revendication juste et motivée.
Aucun ne se lasse, aucun ne veut laisser tomber. Ils apprécient ce côté 'colonie de vacances’ comme Jojo aime à le dire dit. Ils sont en famille.
En famille certes, mais dans la rue. Florian me précise que très peu d’officiels sont venus. Les seuls qui sont venus sont de l’opposition et préparent les élections. S’il n’y avait pas eu les Présidentiels seraient-ils venus ?
Dans ma pérégrination dans le camp, je croise des intellectuels anonymes dont un poète qui a quitté la Terre mais qui vient voir ses frères et qui dort sous la tente de temps en temps. Seulement 3 bénévoles dorment encore las bas soit cinq fois moins qu’au début de mouvement. Aucune décision, aucune solution n’a été prise entre mes deux reportages. Rien.
Je passe entre 2 et 3 heures à discuter avec des hommes et des femmes d’une lucidité rare, avec des discours cohérents et des arguments justes. La plupart sont jeunes, très discrets sur leur vie, leur passé… Sur le camp, ils ne sont pas des individualités mais une famille. Je n’entends pas de 'Je’ mais des ‘On’. Où étaient-ils auparavant ? Seuls sous un pont, sur des quais de déchargement, dans des parcs publics... Éparpillés et seuls, à la merci des politiques qui souhaitaient repousser les gueux aux portes de la ville. Ensemble ils sont au cœur de la ville. Pour certains j’ai la conviction qu’ils pensent avoir réussi et qu’ils ne demandent rien de plus.
Un jeune homme vient me trouver et me signale qu’il arrive juste et qu’il ne connaît personne. Je ne saurais jamais d’où il venait, pourquoi il était là… Je garderai en mémoire ses yeux perdus.
La vie n’est pas équitable et nous sommes tous des victimes potentiels. Comme eux.
Ces gens ne ressemblent pas à ce qu’ils sont. Leur main, leurs habits et coiffure en font des marginaux, comme on dit. Ils n’ont pas choisi de ne pas écrire en pleine page, ils n’ont que la marge.
J’ai droit à une demande pressante de Manolo, il souhaite que je fasse une photo de ses souliers, je ne sais pas pourquoi, mais il en parle avec une immense fierté, il s’en suit un concours de tatouage « Monsieur le photographe, allez y … »
Une cinquantaine de tentes sont plantées sur ce camping improvisé. Les plus anciens, comme Tonton décorent leur espace de vie, font de l’humour, écrivent sur leur tente « Chien et propriétaire méchants », « vue sur Mer »…...
Je suis frappé par le nombre de chien. Tous les habitants en ont un et les appellent ’Collègues’. Ces chiens sont très importants, ils sont leur seule dose d’affection dans ce Monde difficile, ou l’alcool est souvent source de conflits, comme me le précise Christiane. En famille, certes, mais chacun porte sa croix et ses douleurs.
Je sais bien que je ne suis qu’un témoin momentanée de leur vie mais sommes nous tous conscients que s’ils sont dans la rue ce n’est pas par choix et que nous sommes tous responsables, que nous sommes tous la solution ?
Peut-être y retournerais-je. Je pense souvent à ces hommes et ces femmes, à leur humanité, à la force qu’ils dégagent. Je sais que mes photos resteront pour moi mais j’ai l’humble sentiment d’avoir capturé la Vie et j’en suis assez fier.
Ce n’est pas un reportage, car finalement il n’y a pas d’enquête, d’investigation. Le terme témoignage me paraît plus juste. Je suis là avec eux, au milieu de leur salon et je profite avec mon appareil photo en guise de mémoire.
Ce samedi 10 mars, il est 18h quand j’arrive pour la deuxième fois sur le campement des enfants de Don Quichotte.
Lors de ma première venue, mi-janvier, j‘avais été frappé par l’aspect rudimentaire du camp. Cette fois-ci je vois un camp dans un doux bordel organisé et bien plus grand. Je compte une cinquantaine de tentes.
Cela fait déjà un moment que les sans domiciles fixes sont sur les allées François Verdier. Le camp est situé entre de brillants immeubles bourgeois. Le contraste est saisissant. Les passants regardent le camp avec un léger sourire de complicité, ils regardent leurs nouveaux voisins avec gentillesse et compassion. Ils sont habitués.
Pouvons-nous être habitué à la précarité ? Non seulement je crois que oui mais je le constate.
J’enjambe de nombreux chiens, heureux de vivre, du bois pour alimenter les cheminés du plus grand appartement de la ville.
Florian un militant bénévole me reçoit et me donne l’autorisation de faire des photos. Certains refusent les photos car recherchés par la police, ou en cours de jugement.
Ce qui me frappe c’est la même bonne humeur que lors de ma première venue. L’alcool aide à rendre euphorique. Il y en a partout, mais personne ne s’en offusque, cela fait parti de leur vie.
Petit à petit certains habitants viennent me parler, me taquiner…. Je me rends compte qu’ils ont pris goût à leur récente popularité, certains me guide et me donne des conseils pour faire des photos. Sont-ils conscients qu’ils deviennent un spectacle ? Du moins en surface car à y regarder de plus prêt on ressent rapidement que le message est fort et la revendication juste et motivée.
Aucun ne se lasse, aucun ne veut laisser tomber. Ils apprécient ce côté 'colonie de vacances’ comme Jojo aime à le dire dit. Ils sont en famille.
En famille certes, mais dans la rue. Florian me précise que très peu d’officiels sont venus. Les seuls qui sont venus sont de l’opposition et préparent les élections. S’il n’y avait pas eu les Présidentiels seraient-ils venus ?
Dans ma pérégrination dans le camp, je croise des intellectuels anonymes dont un poète qui a quitté la Terre mais qui vient voir ses frères et qui dort sous la tente de temps en temps. Seulement 3 bénévoles dorment encore las bas soit cinq fois moins qu’au début de mouvement. Aucune décision, aucune solution n’a été prise entre mes deux reportages. Rien.
Je passe entre 2 et 3 heures à discuter avec des hommes et des femmes d’une lucidité rare, avec des discours cohérents et des arguments justes. La plupart sont jeunes, très discrets sur leur vie, leur passé… Sur le camp, ils ne sont pas des individualités mais une famille. Je n’entends pas de 'Je’ mais des ‘On’. Où étaient-ils auparavant ? Seuls sous un pont, sur des quais de déchargement, dans des parcs publics... Éparpillés et seuls, à la merci des politiques qui souhaitaient repousser les gueux aux portes de la ville. Ensemble ils sont au cœur de la ville. Pour certains j’ai la conviction qu’ils pensent avoir réussi et qu’ils ne demandent rien de plus.
Un jeune homme vient me trouver et me signale qu’il arrive juste et qu’il ne connaît personne. Je ne saurais jamais d’où il venait, pourquoi il était là… Je garderai en mémoire ses yeux perdus.
La vie n’est pas équitable et nous sommes tous des victimes potentiels. Comme eux.
Ces gens ne ressemblent pas à ce qu’ils sont. Leur main, leurs habits et coiffure en font des marginaux, comme on dit. Ils n’ont pas choisi de ne pas écrire en pleine page, ils n’ont que la marge.
J’ai droit à une demande pressante de Manolo, il souhaite que je fasse une photo de ses souliers, je ne sais pas pourquoi, mais il en parle avec une immense fierté, il s’en suit un concours de tatouage « Monsieur le photographe, allez y … »
Une cinquantaine de tentes sont plantées sur ce camping improvisé. Les plus anciens, comme Tonton décorent leur espace de vie, font de l’humour, écrivent sur leur tente « Chien et propriétaire méchants », « vue sur Mer »…...
Je suis frappé par le nombre de chien. Tous les habitants en ont un et les appellent ’Collègues’. Ces chiens sont très importants, ils sont leur seule dose d’affection dans ce Monde difficile, ou l’alcool est souvent source de conflits, comme me le précise Christiane. En famille, certes, mais chacun porte sa croix et ses douleurs.
Je sais bien que je ne suis qu’un témoin momentanée de leur vie mais sommes nous tous conscients que s’ils sont dans la rue ce n’est pas par choix et que nous sommes tous responsables, que nous sommes tous la solution ?
Peut-être y retournerais-je. Je pense souvent à ces hommes et ces femmes, à leur humanité, à la force qu’ils dégagent. Je sais que mes photos resteront pour moi mais j’ai l’humble sentiment d’avoir capturé la Vie et j’en suis assez fier.
Ce n’est pas un reportage, car finalement il n’y a pas d’enquête, d’investigation. Le terme témoignage me paraît plus juste. Je suis là avec eux, au milieu de leur salon et je profite avec mon appareil photo en guise de mémoire.
Re: (témoignage) Dérrière le décor
il est magnifique ton témoignage Stef
les photos sont elles aussi pleines de pudeur pour cette vie que ces gens n'ont pas choisie
que faire pour changer ce système
y'a t'il une solution?
:|
les photos sont elles aussi pleines de pudeur pour cette vie que ces gens n'ont pas choisie
que faire pour changer ce système
y'a t'il une solution?
:|
Re: (témoignage) Dérrière le décor
C'est magnifique..un témoignage respirant la triste réalité..
..malheureusement... :|
..malheureusement... :|
Re: (témoignage) Dérrière le décor
Très beau témoignage, superbement réalisé
Les photos sont sombres danss leur traitement, parfois un peu trop, mais vues dans leur ensemble cela contribue à l'atmosphère du moment. Superbe
Les photos sont sombres danss leur traitement, parfois un peu trop, mais vues dans leur ensemble cela contribue à l'atmosphère du moment. Superbe
Re: (témoignage) Dérrière le décor
Mamoi'zelle Lune a écrit:C'est magnifique..un témoignage respirant la triste réalité..
..malheureusement... :|
Triste réalité, c'est sur, mais pour évoluer, changer, il ne faut pas s'enterrer avec un "malheureusement".
Tu as capturé la Vie, celle d'aujourd'hui, pour ne pas l'oublier demain. Quel bel act... J'admire !
Re: (témoignage) Dérrière le décor
Disc0rdante a écrit:Mamoi'zelle Lune a écrit:C'est magnifique..un témoignage respirant la triste réalité..
..malheureusement... :|
Triste réalité, c'est sur, mais pour évoluer, changer, il ne faut pas s'enterrer avec un "malheureusement".
Nan il ne faut pas, et j'ai jamais dis qu'il le fallait
Re: (témoignage) Dérrière le décor
Superbe! tout simplement... un reportage ce n'est jamais facile, surtout sur un sujet tel que celui ci!!!
et tu t'en sors plus qu'admirablement bien!
un grand bravo!
et tu t'en sors plus qu'admirablement bien!
un grand bravo!
Re: (témoignage) Dérrière le décor
ya des clichés terribles Stef :shock:
les souliers par exemple , j'adore :D
et la tente à louer...superbe aussi
bravo à toi
les souliers par exemple , j'adore :D
et la tente à louer...superbe aussi
bravo à toi
Re: (témoignage) Dérrière le décor
Un très joli reportage/témoignage par contre je suis moins fan de tes traitements que je trouve un peu trop noirs
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